601.2023.La machine à feu

Au début du siècle, celui d’avant, les riches propriétaires en bordure de voie ferrée invitaient leurs amis pour assister au passage des trains, ces symboles du modernisme. « Moins de 24 heures pour arriver depuis Paris ! »

Ces temps ont bien changé. Le train s'avérait une nuisance olfactive et sonore.

D’abord, il y avait la fumée. Au mieux, du bon CO2 que les écolos n’avaient pas encore appris à détester, au pire le mortel oxyde de carbone et son nuage noir d’escarbilles. On se souvient de ces passages en tunnel où il était prudent de fermer les fenêtres, de ces chauffeurs et mécaniciens au visage noirci portant un foulard qui l’était davantage. Dans l’Estérel, avant d’arriver à Cannes, on prenait soin de purger la machine en lui faisant cracher un torrent de fumée noire.

Il y avait ensuite le bruit des convois. Celui, énorme, de la machine, bien sûr, mais aussi celui, plus entêtant, du choc des roues à chaque espace entre rails. Oh, les perpétuels trains de marchandise, la nuit avec leur nombre infini de wagons !  Mes parents, invités à la campagne n’avaient pas pu y trouver le sommeil habitués qu’ils étaient à ces nuits si bruyantes. On ne remerciera jamais assez l’inventeur des rails soudés.

Mais enfin, tout ça avait de la gueule et nous étions heureux de voir déboucher, au sortir du tunnel du Suquet, noyée dans son panache blanc, l’impressionnante machine à feu.