705.2025.Une bonne maîtresse

L’école du Mont Chevalier, c’était la famille. Les gamins du Suquet y étaient accueillis jusqu’à la fin des études obligatoires. La plupart n’iraient pas plus loin. Avec un peu d’inquiétude, ils s’affairaient sous le pupitre de leur bureau ou trempaient attentivement, longuement, leur plume sergent-major dans l’encre violette du petit récipient de porcelaine blanche, espérant ainsi que la maîtresse ne les remarquerait pas. Enfin, arrivait la cloche libératrice et la course vers la cour. Pendant que les instituteurs devisaient autour du platane central, les jeux s’organisaient : les billes, l’exercice périlleux de viande, le chat perché, les circuits aux pions remplis de cire ... 
Pour ma part, je devais tenter le concours d’entrée en sixième. C’est ainsi que je fus convoqué au Lycée Jules Ferry pour deux journées d’épreuves. J’y découvrais un monde nouveau. Heureusement, ma maitresse, Madame Guérini, était là. Une bonne maitresse, une admirable enseignante, une institutrice par vocation. A chacune des pauses, elle attendait que je sorte : Comment as tu as écrit "écarlate" ? En géographie, qu’est-ce que tu as répondu ? Et en calcul, combien as-tu trouvé ? Elle me rassurait. Elle se rassurait elle-même.
J’obtins un excellent résultat dont elle fut plus fière que moi. Il me permit d’être sélectionné pour faire partie d’une expérience pédagogique, celle des classes nouvelles issues de la culture Freinet. Sélection des meilleurs élèves, mixité, choix des maîtres les plus motivés, enquêtes, installation dans le cadre superbe d’un vieil hôtel. Bref, une horrible sélection !
Heureusement, elle sera vite abandonnée au profit d’une culture de masse, sans sélection,  d’un niveau aussi moyen que possible.

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