L’école du Mont Chevalier, c’était la famille. Les gamins du
Suquet y étaient accueillis jusqu’à la fin des études obligatoires. La plupart n’iraient pas plus loin. Avec un peu d’inquiétude,
ils s’affairaient sous le pupitre de leur bureau ou trempaient attentivement, longuement, leur plume sergent-major
dans l’encre violette du petit récipient de porcelaine blanche, espérant ainsi
que la maîtresse ne les remarquerait pas. Enfin, arrivait la cloche libératrice
et la course vers la cour. Pendant que les instituteurs
devisaient autour du platane central, les jeux s’organisaient :
les billes, l’exercice périlleux de viande, le chat
perché, les circuits aux pions remplis de cire ...
Pour ma part, je devais tenter
le concours d’entrée en sixième. C’est ainsi que je fus convoqué au Lycée Jules
Ferry pour deux journées d’épreuves. J’y découvrais un monde nouveau.
Heureusement, ma maitresse, Madame Guérini, était là. Une bonne maitresse, une
admirable enseignante, une institutrice par vocation. A chacune des pauses,
elle attendait que je sorte : Comment as tu as
écrit "écarlate" ? En
géographie, qu’est-ce que tu as répondu ? Et en calcul, combien as-tu
trouvé ? Elle me rassurait. Elle se rassurait elle-même.
J’obtins un excellent résultat dont elle fut plus fière que
moi. Il me permit d’être sélectionné pour faire partie d’une expérience
pédagogique, celle des classes nouvelles issues de la culture Freinet.
Sélection des meilleurs élèves, mixité, choix des maîtres les plus motivés,
enquêtes, installation dans le cadre superbe d’un vieil hôtel. Bref,
une horrible sélection !
Heureusement, elle sera vite abandonnée au profit d’une culture
de masse, sans sélection, d’un niveau
aussi moyen que possible.
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