704.2025.Aie, aie, aie, mi tombo

J’adorais mon Pépé.
Sans avoir lu Hugo, il maitrisait l’Art d’être Grand Père. 
On s’installait sur ses genoux et le suppliait de raconter, 
pour la centième fois, l’une de ses histoires du Piémont natal.
Il faisait semblant d’hésiter. Un bref instant. 
Mais laquelle ? « Sauta la bialera, Louis » 
ou « Giovani et les loups » ou celle du snob qui revient à la ferme 
ou celle des crottes de  l’envieux 
ou celle de Louis qui fait du commerce » ou tant d’autres. 
Il y avait aussi celle du petit cordonnier. 
Un château hanté était offert à celui qui aurait le courage d’y passer la nuit. 
Le héros prend une provision de noix et, quand la nuit vient, les casse et les mange. 
Alors, une voix sépulcrale  tombe du plafond 
« Aie, aie aie mi tombo ! » (Hé oui, le fantôme, lui aussi, parlait couramment le piémontais). 
« Hé, tombe tant que tu veux ! » 
Un bras tombe à côté du cordonnier qui le jette négligemment derrière lui. 
Plus tard, (Pépé savait susciter l’attention) mêmes répliques et c’est l’autre bras, puis la jambe, 
puis l’autre jambe, puis le tronc et finalement la tête. 
A chaque fois le cordonnier jette le morceau derrière lui et continue à casser ses noix. 
A la fin les morceaux du fantôme se recollent et le spectre apparaît en entier. 
« Qu’est-ce que tu manges ? » dit-il. « Des noix ! » « C’est bon ? » « Goûte » « Oh, Bel et ben boun ! Grazie » dit le fantôme et il s’en va ! 
Le cordonnier pourra hériter du château, lot de son courage et, en prime, épouser la belle princesse.

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