Quand l’âge fut venu,
il céda à son fils la charge de sa petite entreprise
et ne garda pour lui que
celle du magasin de détail.
Dès lors, chaque matin, il descendait de son
logement,
situé au-dessus du magasin, à une heure raisonnable,
revêtait son
tablier bleu, ouvrait le rideau métallique
et ne manquait jamais de remonter
son vieux réveil Stantor pour une nouvelle journée de travail.
Il ne lui
restait plus qu’à attendre les clients du jour, pour beaucoup des amis, venus
tailler une bonne bavette et remplir leur bouteille.
La pièce tout en longueur ouvrait sur la rue par une porte
vitrée voisine d’un présentoir orné de belles bouteilles.
Le mur de gauche
était consacré aux spiritueux :
Champagnes, Absinthes, Ricard et Pernod, Picon,
Dubonnet, Marie Brizard, Riqlès ou Fernet-Branca la panacée des maux de ventre.
Celui de gauche était plus
raisonnable avec les sirops, les limonades et une profusion d’eaux minérales dont certaines me semblent avoir disparu
comme l’Hôpital à l’infect gout soufré.
Jacques se tenait à l’arrière devant une grande table sur
laquelle, entre deux visiteurs, il réparait les caisses fatiguées, redressait
les clous rouillés et tordus pour leur donner une nouvelle vie. Derrière lui,
trois tonneaux pour remplir les bouteilles des clients. Du rouge, en 9, 10 ou
11 degrés.
La vie s’écoulait, calme, tranquille.
Et puis un jour, une
opération mal conduite et Jacques nous quitta.
La semaine suivante, après le deuil, ma Mère prit sa place
mais, bien que remonté à fond, le vieux Stentor ne voulut plus jamais repartir.
Tel un chien fidèle, il n’avait pas survécu à son Maître.
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