Cette année-là, la roulette de l’éducation
nationale nous affecta un nouveau prof de lettres. Pochon, il s’appelait. Plus
jeune agrégé de France, disait-on. La vingtaine à peine passée. Un physique
maigrichon, une voix fluette, il semblait l’un des nôtres.
Par chance, nous avions bénéficié d’une
expérience pédagogique : les classes nouvelles. Sélection des meilleurs
élèves, sélection des professeurs volontaires, le comble de l’horreur dirait-on
aujourd’hui. Expérience réussie et donc rapidement abandonnée. Nous adoptâmes
Monsieur Pochon.
Il choisit de nous faire travailler « La
Rose et le Réséda » un poème de Louis Aragon. Ce choix n’avait rien de
banal, Monsieur Pochon penchait sans doute à gauche. Mais nous étions des
gamins, peu soucieux des questions politiques et nous ne vîmes dans cette
poésie que l’appel à l'unité du pays, par-delà les clivages politiques et
religieux de la rose communiste et du réséda catholique.
Il y a quelques années, j’aurais râlé de m’être
fait avoir par cette tactique grossière. J’aurais rejeté Aragon, un écrivain
communiste enragé, un fervent admirateur du stalinisme dont bien des ouvrages
montrent le sectarisme. Avec l’âge, je préfère n’en garder que le message simple
de l’unité du pays et d’en méditer la brûlante actualité.
« Celui qui croyait au ciel - Celui qui
n'y croyait pas ...
Qu'importe comment s'appelle - Cette clarté sur leur
pasQue l'un fut de la chapelle - Et l'autre s'y dérobât...
Quand les blés sont sous la grêle - Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles - Au cœur du commun combat »
Aquarelle pompée sur Van Gogh, les blés sous la tempête.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaire