761.2025.Quand les blés sont sous la grêle.

 
Cette année-là, la roulette de l’éducation nationale nous affecta un nouveau prof de lettres. Pochon, il s’appelait. Plus jeune agrégé de France, disait-on. La vingtaine à peine passée. Un physique maigrichon, une voix fluette, il semblait l’un des nôtres.
Par chance, nous avions bénéficié d’une expérience pédagogique : les classes nouvelles. Sélection des meilleurs élèves, sélection des professeurs volontaires, le comble de l’horreur dirait-on aujourd’hui. Expérience réussie et donc rapidement abandonnée. Nous adoptâmes Monsieur Pochon.
Il choisit de nous faire travailler « La Rose et le Réséda » un poème de Louis Aragon. Ce choix n’avait rien de banal, Monsieur Pochon penchait sans doute à gauche. Mais nous étions des gamins, peu soucieux des questions politiques et nous ne vîmes dans cette poésie que l’appel à l'unité du pays, par-delà les clivages politiques et religieux de la rose communiste et du réséda catholique.
Il y a quelques années, j’aurais râlé de m’être fait avoir par cette tactique grossière. J’aurais rejeté Aragon, un écrivain communiste enragé, un fervent admirateur du stalinisme dont bien des ouvrages montrent le sectarisme. Avec l’âge, je préfère n’en garder que le message simple de l’unité du pays et d’en méditer la brûlante actualité.
« Celui qui croyait au ciel - Celui qui n'y croyait pas ...
Qu'importe comment s'appelle - Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle 
- Et l'autre s'y dérobât...
Quand les blés sont sous la grêle - Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles - Au cœur du commun combat »
Aquarelle pompée sur Van Gogh, les blés sous la tempête.

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