Dans
l’Antiquité, j’étais stagiaire, élève-ingénieur, dans le bureau d’études de la SNCF à La Bocca en compagnie de mon ami
Lucien.
On y étudiait le ré usinage des roues de train. En effet, ces
malheureuses sont bien maltraitées au cours de leur carrière
et il est
nécessaire de les remettre en état régulièrement. L’énergie cinétique d’un
train c’est 200 fois celle d’un 10 tonnes. Pas facile à maitriser.
De plus, le
frottement des roues d’acier sur un rail d’acier n’y aide en rien. Un freinage
trop accentué cause inévitablement un patinage, la roue bloquée glisse sur le
rail et un beau méplat se forme.
De même, au démarrage, vouloir mettre trop de
puissance génère le même problème. Il faut beaucoup de doigté et de légèreté au
mécanicien.
S’y ajoutent les heurts à chaque intervalle entre rails successifs.
Bref, il convient de ré usiner de temps en temps ces malheureuses du moins tant
qu’il leur reste assez de matière.
A
vrai dire, avec Lucien nous prenions plus de temps à parcourir la riche
bibliothèque du lieu, bien dotée en San Antonio, qu’à nous interroger sur la
mécanique des frottements ou à nous demander pourquoi ces roues présentent une étrange
double conicité terminée par une joue latérale.
Et pourtant, quelle belle preuve
de l’intelligence humaine. En effet, les deux roues d’un essieu de train sont
solidaires : elles tournent forcément à la même vitesse.
Or, lors d’une courbe,
la roue extérieure doit décrire une courbe plus étendue que celle de la roue
interne. On connait ça pour les roues arrière des voitures. Pour éviter frottement
de l’une ou patinage de l’autre, on a inventé le différentiel. Ce dispositif rattrape
la différence entre les deux trajets. Ce n’est pas le cas du train. Ici, pas
besoin d’un mécanisme compliqué, tout est résolu par la conicité des roues. Tout
naturellement, la roue externe va glisser latéralement et adopter un plus grand
diamètre pendant que, simultanément, la roue interne se décale d’autant vers un
diamètre plus petit. Ainsi le tour est joué : à vitesse de rotation égale,
la roue externe parcourt un chemin plus long et le train s’adapte au virage de la
voie. En ligne droite, les deux roues se régulent automatiquement sur un rayon
identique.
Chapeau!


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