604.2023.Le bain de Manon

Manon piaffe. Elle échappe à la main maternelle qui la pastisse de crème. Elle se rue à l'eau. 
Direct. Sans les chichis des adultes. Son petit corps fluet est une pile d'énergie. 
Manon rit. Elle est au paradis.
Maman a gonflé la bouée. On invite une copine. Et les voilà roulées par les crêtes de vagues.
Ruisselantes, les yeux piquants, elles se lancent en une course folle. 
Manon rit. Elle est au paradis.
Puis, c'est la chasse au trésor. Munie d'une épuisette, elle poursuit un crabe aventureux, un gobie solitaire,
un coquillage cassé, quelque tesson joliment poli par les flots. Magnifiques trophées.
Manon rit. Elle est au paradis.
La voilà enterrée dans le sable. Jusqu'au cou. Angoisse délicieuse. Et quel plaisir de s'en extirper. 
De chasser le sable mouillé de la culotte. De s'asseoir dans les vagues mourantes 
aussitôt absorbées par le sable assoiffé. De se laisser bercer par ce rythme incessant. 
Ah, oui, ne pas oublier l'architecture : le château, les remparts, les tours, les fossés, œuvres d'une courte éternité. 
Manon rit. Elle est au paradis.
Repos. Pourquoi pas un morpion ? Oui, mais pas de temps à perdre. On retourne à l'eau. Maman s'inquiète de la voir toute bleue. Encore un peu, Maman, elle est si bonne. Pas même froide !
Hélas, tout a une fin, faut se rhabiller. Derrière un rempart hermétique, un mur opaque de serviettes protégeant sa jeune pudeur. On reviendra demain. Le paradis, c'est ici : la plage du Midi.