780.2025.Confidences

C’était la fin de l’hiver. Une chatte noire, errante, affamée, amaigrie vint quémander à ma porte. 
Elle faisait pitié. Je lui donnai quelques restes de nourriture qu’elle avala sans coup férir. 
Pour me remercier elle me souffla bien fort. 
Le lendemain, elle revint. J’eus le tort et le cœur de la nourrir de nouveau.   
Craintive, apeurée, méfiante, impossible de l’approcher. 
Au moindre de mes mouvements  elle s’enfuyait. 
Mais le pli fut vite pris. Elle venait chaque jour quêter sa nourriture. 
Peu à peu, ma pitié se doublait d’une certaine sympathie. 
Elle était un peu moins efflanquée. Peu à peu ses lignes s’arrondissaient.
De plus en plus. 
Je le compris bien tard. Un autre félin vagabond lui avait fait sa fête. 
La vagabonde s’installa sur mon tas de bois dans un appentis du jardin. 
Et c’est là qu’elle mit au monde deux minuscules boules de poils noirs. 
Une petite femelle hardie et un mâle tout craintif. 
Mes petites filles les baptisèrent Boisette et Tadbois.
Il fallait stopper le risque exponentiel de prolifération. 
Conduire toute cette famille à la SPA. 
Il n’était pas question de s’encombrer d’un animal à mon âge avancé. 
Mais c’était sans compter les enfants.
La mère fut adoptée à la SPA, une amie prit Tadbois et nous gardâmes Boisette.
Et ce fut alors le début d’un grand amour. 
Comment est-il possible de loger tant de tendresse, d’intelligence et d’amour dans un si petit cœur ?

779.2025.Instant de joie

 
Quelques notes de Bach
Une crème au caramel
La caresse d’un chat
Le sourire d’un enfant

Le plaisir de la douche
La soupe à la cuillère
L’infirmière attentive
Le rire de son frère

La tendresse de l’Aide à vivre
Le repos dans son lit
L’éclair d’un souvenir
Un bras sur ses épaules

La compassion du médecin
L’Univers et les Dieux
La présence de son époux
L’amour de ses enfants

Un éclair dans la brume
Un bref instant de joie

778.2025.Recto

 
Après verso, voici recto.
D’abord, il y a la norme, 
la respectabilité du moment.
Celle de notre époque où l’atteinte à la pudeur
est chassée des Musées et des réseaux sociaux.  
Où la marchandisation du corps de la femme,
le comportement macho sont proscrits de l’Art.
Mais largement étalés sur les affiches. 
Comme cette mode a changé depuis l’Antiquité 
ou même notre jeunesse.
Bien que vue de face, Recto reste pudique.
On est loin de « L’origine du Monde » ou d’Egon Schiele.
Ensuite, il y a l’aspect technique.
Le problème du visage est réglé 
par les soins d’un chapeau bienvenu.
Celui plus délicat des mains et des doigts 
est évacué de bien belle façon.
Restent les seins.
Ils sont en place mais voilés par la couleur.
Voilà qui est fait et le tour est joué.

777.2025.Esquisse

 
Vous vous souvenez de la Veuve Joyeuse,
Cette belle opérette de Franz Léhar ?
 
J’entends encore nos Parents fredonner
La Valse langoureuse du thème principal.

« Heure exquise qui nous grise lentement
La promesse, la caresse du moment
L'ineffable étreinte de nos désirs fous
Tout dit : Gardez-moi puisque je suis à vous »

Et qui se remémore le velours de la voix de Tino ?

« Lorsque la douce nuit tend ses voiles
Quand scintillent sans bruit les étoiles
Voyant mourir le jour qui s'achève,
Tout porte aux rêves à l'entour. »

776.2025.L'Endormie

« Elle dormait, pareille aux indécentes roses… 
Et l’homme contemplait, parmi les grands coussins, 
Cette femme, jetée en sa naïve pose
Blanche flexible et double où fleurissent les seins. 

Ah ! comme il se penchait sur cette forme nue 
Dont la ligne allongée et le nacré contour 
Avaient l’éclat doré des lumineuses nues 
Que l’on voit disparaître au soir d’un trop beau jour ! ...

Car, ainsi qu’il ne peut surprendre la nature 
Dans l’auguste candeur de ses cruels secrets,
L’homme doit respecter ton innocence impure,
Femme, et croyant t’aimer, ignorer qui tu es ».
 
Marie de Hérédia dite Gérard d’Houville

775.2025.Verso ou la serviette rose

Le recto c’est plus dur. 
D’abord, il y a le visage. 
Tout un univers pictural. 
Il peut exprimer la beauté ou la laideur, la douceur ou la haine. 
Et c’est souvent l’échec. 
Comment l’esquisser sans sombrer dans le détail, 
le laisser deviné sans trop de précisions ? 
Et puis, il y a les seins. 
Trop importants ou minuscules, tombants ou agressifs, trop haut ou de travers. 
Et comment rester décent de ce côté ? 
On n’oubliera pas les mains, le calvaire du peintre. 
Avec plein de doigts. 
Trop gros, trop fins, trop courts ou bien trop longs. 
Et ces ongles qui se veulent invisibles ou trop présents ?
Le verso, c’est plus simple. 
Une ombre d’omoplates, 
le creux de la colonne qui se prolonge vers les fesses. 
Et c’est tout. 
En fait, ici, la difficulté, c’est le calme, le plat, l’absence de reliefs, l’uniformité picturale. 
En deux temps trois mouvements, c’est fait. 
Mais quelle chance, on peut toujours penser que, 
de l’autre côté, c’est merveilleusement bien réussi.