789.2025.Les fées

Il y a quelques années, je créai une vidéo à partir d’un joli texte de Monique intitulé « La fée bleue ». On peut la visionner, comme quelques autres,  sur mon blog : pepekirigol.blogspot.com  J’en extrais l’illustration d’aujourd’hui.

Depuis, le temps a passé, une protéine malfaisante dégrade les neurones, la mémoire s’est éclipsée, les cellules fatiguent, le squelette craque, les muscles s’avachissent, la stabilité est perdue. Notre belle jeunesse a fui.

Mais nous ne sommes pas seuls. Les bonnes fées sont revenues. Plus question de sauver Caboche ou de réconcilier les deux sœurs, elles sont venues pour nous aider, nous accompagner à franchir  les dernières étapes.

Je sais maintenant qu’elles ont un nom, un visage. Il y a Cécile qui, à force de patience et d’amour, est devenue une autre fille de la famille, la petite sœur d’Anne et la confidente de son grand frère. Il y a Elise, Delphine et Virginie qui avec dévouement et patience s’occupent chaque soir, avec cœur, des soins d’hygiène et de santé, acceptant, avec le sourire, la mauvaise humeur, les critiques injustes et l’ingratitude de la patiente. Il y a Laeticia, Aurélie, Lauren ou Tina qui nous accueillent au CAJA avec une bonne humeur qui n’est pas feinte et une attention toute maternelle.  Il y a Fanny qui veille à faire travailler encore un peu les quelques muscles restants. Il y a Justine qui prend soin de l’Aidant. Il y a Perrine si disponible, si gaie, si chaleureuse. Il y a aussi Gita à la parole si douce, toute animée par sa disponibilité envers le prochain. Elles sont douze, comme les apôtres. Toutes de la même générosité, de la même gentillesse, de la même patience. Comment pourrais-je les remercier assez ? 

788.2025.La petite rivière

Ce matin, je me lève avec une chanson clouée dans ma tête.
« La petite rivière », 
Elle chante mais elle chante,
Toujours elle sourit, toujours contente ...  
Ces tourbillons, ces friselis, qui mettent les rayons du soleil dans son lit ...
Les saules qui se penchent, ils ont sur les épaules un bout de ciel trop grand.
Et d’autres fabulettes viennent à la rescousse.
L’émouvant « Il y avait un orme »,
Un orme long comme un rêve d'enfance ...
Et puis  les Cécilou, Les Ptitous, Café au lait,
Cécile et Céline, Les nouilles, Une chanson c’est ...
Anne Sylvestre, tu nous accompagnais 
en voiture sur les chemins du Midi,
Les enfants, à l’arrière, entonnant avec ardeur,
« Les sandouiches au jambon », bien sûr !
Je t'ai préparé pour ton petit déjeuner, une montagne de tartine,
Confiture d'églantine et du chocolat crémeux ...
Mais moi je m'en fiche
Je veux des sandouiches
Je veux des sandouiches au jambon
C'est ça qu'je trouve bon

787.2025.Fanny au CERN

Toute la physique tient en deux grandes théories. La première, la mécanique quantique, gouverne le monde du petit, les atomes, les particules et leurs réactions. Elle fait l’unanimité. La seconde, la relativité, décrit le vaste Univers depuis le Big Bang. Elle est acceptée par tous. Mais ces deux théories sont contradictoires. Or, l’Univers, décrit par la seconde, était tout petit à son origine et devait donc obéir alors aux lois de la première. Arriver à unifier ces deux théories donnerait naissance à ce qu’on nomme la Théorie du Tout. Immense défi.
C’est le domaine du CERN. On y rencontre à la fois les physiciens de l’infiniment petit et ceux qui travaillent sur les milliards de galaxies.  Il s’agit d’éclairer les nombreux points qui demeurent inconnus : comment se sont formées les particules ? comment sont apparues les forces ?  existe-t-il une matière et une énergie noires inconnues ? pourquoi ne voit-on pas d’antimatière dans le Cosmos? avons-nous recensé toutes les particules ? l’antimatière tombe-t-elle vers le « haut » ?
Pour en savoir plus, il faut pénétrer dans le domaine des hautes énergies, celles qui régnaient dans notre Univers jeune. Dans l’immense accélérateur de particules, le LHC de 27 km de long, des protons sont accélérés jusqu’à des vitesses voisines de celle de la lumière. 10000 tours de 27 km par seconde !  Le CERN a déjà apporté bien des réponses en créant de l’antimatière, en déterminant la durée de vie du proton, en démontrant l’existence de boson de Higgs la particule de Dieu.
Demain un nouvel accélérateur bien plus performant  nous dévoilera un peu plus  l’inconnu des très hautes énergies. Cependant, il restera encore bien loin des énergies produites au Big Bang. Il faudra faire encore plus grand, bien plus grand. Mais, peu à peu, théoriciens et expérimentateurs cheminent de concert vers la lumière, la connaissance, la Théorie du Tout.

786.2025.Le vieux Gaffiot

Le hasard porte mon œil distrait sur une étagère. 
Il est là, bien rangé, timide, au deuxième rang, immobile depuis des années. 
Je le sors, le feuillette. La poussière s’en échappe. 
Et les souvenirs affluent : le lycée, la version hebdomadaire, la recherche fiévreuse d’une phrase toute traduite de Cicéron ou de Tite-Live. Au fil des pages surgissent Salluste, César, Sénèque, Plaute. 
Un monde se réveille avec ses qualités et ses défauts. Les architectures de génie, le Colysée, le Pont du Gard, les Arènes de Nîmes, le Panthéon.
Les savants Archimède, Ptolémée, Pline et les ingénieurs dont les œuvres au musée de Naples ne cessent de surprendre. 
La société d’ordre, de discipline, de rigueur. 
Le génial Code Romain, l’émouvante Curie. 
Les grandes constructions, comme notre via Aurelia ou le mur d’Hadrien. 
Les sculpteurs disciples de Phidias ou Praxitèle. 
Les écrivains inspirés d’Eschyle et Sophocle.  Lucrèce, Epicure et le merveilleux De Rerum Natura. 
Et surtout, dans la rue, les modestes, les besogneux, nos ancêtres de Rome, Pompéi ou Herculanum, 
les taverniers, boulangers, cordonniers, putains, politiciens, gladiateurs, commerçants, soldats. 
Ils sont si proches de nous.

785.2025.Bulles de souvenirs

Lou Roucas on l’appelait. C’était la maison des grands parents. Une idée réaliste de ce que pourrait être le Paradis. Dette était venue accueillir sa première petite fille à sa naissance. Le mois suivant, elle nous avait offert le voyage. Une découverte, une initiation. Le Super Constellation trouant la nuit des flammes de ses quatre moteurs avait, en un coup de baguette magique, transformé le toit gris parisien en un ciel d’azur ensoleillé. Depuis, dès que sonnait l’heure des vacances, la boussole indiquait Plein Sud. Finis l’école, la pluie, le vent, la neige. Finis les embouteillages, les miasmes de banlieue. Finis le travail envahissant des parents, le coucher trop précoce et le lever trop matinal.
Quelquefois c’était le train. En wagon-lit s’il vous plait. Notre cabine à nous, un T2 où le bébé, la chatte et ses petits s’installaient à leur aise. Le matin, la halte à Fréjus avec les croissants du petit déjeuner  pendant qu’on déchargeait notre voiture. Restait à « succuler » le dessert du voyage : la Corniche dorée jusqu’à Cannes.
Plus souvent, c’était la voiture. Moins cher. D’abord, la Dedeuche. 50 de moyenne. Le bouton manuel pour faire marcher les essuie-glaces. Le vaillant petit moteur de 375 cc s’essoufflant dans les montées. 10 heures de voyage avant d’atteindre Lyon où nous attendait Trilliat pour la nuit de repos. Avec le temps on  eut plus confortable.
Enfin Cannes ! Les neurones fatiguent mais les souvenirs reviennent, émergent par bouffées. En cas de maladie,  aller s’y rétablir et se faire dorloter. L’index sur la tempe de Dette qui rêvassait sur sa chaise longue  dans le jardin. Les parties d’échec avec Marius. Le bricolage et la maçonnerie avec Parrain. La pêche à la fourchette. Le bain dans le bassin. La plage du Midi et le Soleil matinal. La douche au retour et les somptueux repas de Dette. Les virées à Saint Honorat avec les dégoulinants pans bagnat. Maya, Laila, Le Chat, Belle et Cigüe qu’on aimait tant et qui faisaient pleurer lors des séparations.
Eternel souvenir de ces grands parents adorés nous attendant sur le balcon.  

784.2025.Un amour

Viens ma Boisette, j’ai besoin de ton affection. Garetta est morte hier au soir. Tu ne la connaissais pas, je sais, tu ne savais pas que pour Gérard, c’était l’amour de sa vie. Garetta était toute de muscles, des mâchoires d’acier, un caractère assuré mais un débordement  d’amour. Il fallait voir quand nous arrivions, comme elle nous entourait de son affection débordante. Ses crocs puissants avalant nos bras qu’elle aurait pu briser sans effort. Ses pattes d’acier aux griffes acérées rayant  notre belle voiture. Et pas question de se dérober à ses tendresses. Gérard avait beau ordonner, crier, menacer elle n’en avait cure. Certes, elle aurait pu tout comprendre car elle en avait l’intelligence. Elle aurait pu obéir à son maître, se coucher calmement à nos pieds. Mais Gérard n’en avait pas voulu. Ah, fallait voir comme il avait viré le Maître-chien qui prétendait instruire son chien. Son chien ? Sa fille, son amour, tu veux dire ! Il avait adopté pour seule conduite, l’affection et l’amour.
Depuis sa tendre enfance, Garetta ne l’avait jamais quitté d’une semelle. Sur les chantiers, dans les églises, les monuments, ils partageaient la gamelle du midi ou le restau du soir. 
Un beau jour, Garetta nous offrit une belle fournée de petites boules brunes. Les amis les adoptèrent en n’en laissant qu’une à la Cabrière. Nanou venait joindre son affection à celle de sa mère, ses jeux sans limite, ses courses à la « baballe » (Pourquoi bêtifie-t-on avec les animaux et les enfants ?). Depuis, le soir, l’énorme gamelle de viande bio et des légumes de saisons dut être doublée, la place de Gérard dans le lit, réduite à la portion congrue.
Mais tout a une fin, le bonheur comme les ennuis. Peu à peu, Garetta fatiguait, continuait de chercher la baballe, défendait le bâton qu’elle serrait entre ses dents mais montait péniblement les escaliers vers la chambre. Jusqu’à ce triste jour.
Pourquoi faut-il que nos amis vivent se peu de temps ?