787.2025.Fanny au CERN

Toute la physique tient en deux grandes théories. La première, la mécanique quantique, gouverne le monde du petit, les atomes, les particules et leurs réactions. Elle fait l’unanimité. La seconde, la relativité, décrit le vaste Univers depuis le Big Bang. Elle est acceptée par tous. Mais ces deux théories sont contradictoires. Or, l’Univers, décrit par la seconde, était tout petit à son origine et devait donc obéir alors aux lois de la première. Arriver à unifier ces deux théories donnerait naissance à ce qu’on nomme la Théorie du Tout. Immense défi.
C’est le domaine du CERN. On y rencontre à la fois les physiciens de l’infiniment petit et ceux qui travaillent sur les milliards de galaxies.  Il s’agit d’éclairer les nombreux points qui demeurent inconnus : comment se sont formées les particules ? comment sont apparues les forces ?  existe-t-il une matière et une énergie noires inconnues ? pourquoi ne voit-on pas d’antimatière dans le Cosmos? avons-nous recensé toutes les particules ? l’antimatière tombe-t-elle vers le « haut » ?
Pour en savoir plus, il faut pénétrer dans le domaine des hautes énergies, celles qui régnaient dans notre Univers jeune. Dans l’immense accélérateur de particules, le LHC de 27 km de long, des protons sont accélérés jusqu’à des vitesses voisines de celle de la lumière. 10000 tours de 27 km par seconde !  Le CERN a déjà apporté bien des réponses en créant de l’antimatière, en déterminant la durée de vie du proton, en démontrant l’existence de boson de Higgs la particule de Dieu.
Demain un nouvel accélérateur bien plus performant  nous dévoilera un peu plus  l’inconnu des très hautes énergies. Cependant, il restera encore bien loin des énergies produites au Big Bang. Il faudra faire encore plus grand, bien plus grand. Mais, peu à peu, théoriciens et expérimentateurs cheminent de concert vers la lumière, la connaissance, la Théorie du Tout.

786.2025.Le vieux Gaffiot

Le hasard porte mon œil distrait sur une étagère. 
Il est là, bien rangé, timide, au deuxième rang, immobile depuis des années. 
Je le sors, le feuillette. La poussière s’en échappe. 
Et les souvenirs affluent : le lycée, la version hebdomadaire, la recherche fiévreuse d’une phrase toute traduite de Cicéron ou de Tite-Live. Au fil des pages surgissent Salluste, César, Sénèque, Plaute. 
Un monde se réveille avec ses qualités et ses défauts. Les architectures de génie, le Colysée, le Pont du Gard, les Arènes de Nîmes, le Panthéon.
Les savants Archimède, Ptolémée, Pline et les ingénieurs dont les œuvres au musée de Naples ne cessent de surprendre. 
La société d’ordre, de discipline, de rigueur. 
Le génial Code Romain, l’émouvante Curie. 
Les grandes constructions, comme notre via Aurelia ou le mur d’Hadrien. 
Les sculpteurs disciples de Phidias ou Praxitèle. 
Les écrivains inspirés d’Eschyle et Sophocle.  Lucrèce, Epicure et le merveilleux De Rerum Natura. 
Et surtout, dans la rue, les modestes, les besogneux, nos ancêtres de Rome, Pompéi ou Herculanum, 
les taverniers, boulangers, cordonniers, putains, politiciens, gladiateurs, commerçants, soldats. 
Ils sont si proches de nous.

785.2025.Bulles de souvenirs

Lou Roucas on l’appelait. C’était la maison des grands parents. Une idée réaliste de ce que pourrait être le Paradis. Dette était venue accueillir sa première petite fille à sa naissance. Le mois suivant, elle nous avait offert le voyage. Une découverte, une initiation. Le Super Constellation trouant la nuit des flammes de ses quatre moteurs avait, en un coup de baguette magique, transformé le toit gris parisien en un ciel d’azur ensoleillé. Depuis, dès que sonnait l’heure des vacances, la boussole indiquait Plein Sud. Finis l’école, la pluie, le vent, la neige. Finis les embouteillages, les miasmes de banlieue. Finis le travail envahissant des parents, le coucher trop précoce et le lever trop matinal.
Quelquefois c’était le train. En wagon-lit s’il vous plait. Notre cabine à nous, un T2 où le bébé, la chatte et ses petits s’installaient à leur aise. Le matin, la halte à Fréjus avec les croissants du petit déjeuner  pendant qu’on déchargeait notre voiture. Restait à « succuler » le dessert du voyage : la Corniche dorée jusqu’à Cannes.
Plus souvent, c’était la voiture. Moins cher. D’abord, la Dedeuche. 50 de moyenne. Le bouton manuel pour faire marcher les essuie-glaces. Le vaillant petit moteur de 375 cc s’essoufflant dans les montées. 10 heures de voyage avant d’atteindre Lyon où nous attendait Trilliat pour la nuit de repos. Avec le temps on  eut plus confortable.
Enfin Cannes ! Les neurones fatiguent mais les souvenirs reviennent, émergent par bouffées. En cas de maladie,  aller s’y rétablir et se faire dorloter. L’index sur la tempe de Dette qui rêvassait sur sa chaise longue  dans le jardin. Les parties d’échec avec Marius. Le bricolage et la maçonnerie avec Parrain. La pêche à la fourchette. Le bain dans le bassin. La plage du Midi et le Soleil matinal. La douche au retour et les somptueux repas de Dette. Les virées à Saint Honorat avec les dégoulinants pans bagnat. Maya, Laila, Le Chat, Belle et Cigüe qu’on aimait tant et qui faisaient pleurer lors des séparations.
Eternel souvenir de ces grands parents adorés nous attendant sur le balcon.  

784.2025.Un amour

Viens ma Boisette, j’ai besoin de ton affection. Garetta est morte hier au soir. Tu ne la connaissais pas, je sais, tu ne savais pas que pour Gérard, c’était l’amour de sa vie. Garetta était toute de muscles, des mâchoires d’acier, un caractère assuré mais un débordement  d’amour. Il fallait voir quand nous arrivions, comme elle nous entourait de son affection débordante. Ses crocs puissants avalant nos bras qu’elle aurait pu briser sans effort. Ses pattes d’acier aux griffes acérées rayant  notre belle voiture. Et pas question de se dérober à ses tendresses. Gérard avait beau ordonner, crier, menacer elle n’en avait cure. Certes, elle aurait pu tout comprendre car elle en avait l’intelligence. Elle aurait pu obéir à son maître, se coucher calmement à nos pieds. Mais Gérard n’en avait pas voulu. Ah, fallait voir comme il avait viré le Maître-chien qui prétendait instruire son chien. Son chien ? Sa fille, son amour, tu veux dire ! Il avait adopté pour seule conduite, l’affection et l’amour.
Depuis sa tendre enfance, Garetta ne l’avait jamais quitté d’une semelle. Sur les chantiers, dans les églises, les monuments, ils partageaient la gamelle du midi ou le restau du soir. 
Un beau jour, Garetta nous offrit une belle fournée de petites boules brunes. Les amis les adoptèrent en n’en laissant qu’une à la Cabrière. Nanou venait joindre son affection à celle de sa mère, ses jeux sans limite, ses courses à la « baballe » (Pourquoi bêtifie-t-on avec les animaux et les enfants ?). Depuis, le soir, l’énorme gamelle de viande bio et des légumes de saisons dut être doublée, la place de Gérard dans le lit, réduite à la portion congrue.
Mais tout a une fin, le bonheur comme les ennuis. Peu à peu, Garetta fatiguait, continuait de chercher la baballe, défendait le bâton qu’elle serrait entre ses dents mais montait péniblement les escaliers vers la chambre. Jusqu’à ce triste jour.
Pourquoi faut-il que nos amis vivent se peu de temps ?


 

783.2025.Galatée

L'objet a été découvert lors du passage de la sonde Voyager à proximité de Neptune. 
Temporairement désigné S/2025 N 4, il approche de la Terre à 50 km par seconde. 
Les astronomes du monde entier s’en préoccupent. 
Ils cherchent à mieux connaître cet étrange phénomène céleste. 
Ils l’ont dénommé Galatée. 
Sa taille avoisinerait celle de la Lune. 
De mémoire d’astronome, on n’a jamais vu pareille météorite à proximité du Soleil. 
La NASA, l’ESA, l’Institut Lénine, le NAOC et le NAOJ échangent leurs informations.
Dans le désert d’Atacama les grands télescopes sont braqués sur l’astéroïde. 
Peu à peu, on précise sa trajectoire. 
Pas de doute : Galatée va rencontrer la Terre. 
La catastrophe est imminente. 
Que faire ? Comment ralentir la course folle de ce monstre ? 
La Chine propose d’envoyer leurs nouvelles fusées Longue Marche 8 
faire exploser des charges tératonniques pour le pulvériser. 
Chez nous, le Président déclare la guerre à l’astéroïde. 
Sénateurs et députés réfléchissent aux mesures à prendre.
Ils blablatent, hésitent, consultent, débattent des 1403 amendements 
et des trois motions de censure.
Leur rapport de synthèse enfin prêt, 
nos Elus découvrent que Galatée est passée à 385000 km de la Terre. 
Ils se félicitent de leur bon travail.

782.2025.Le Val d'Enfer

Un inquiétant monde minéral. 
C’est là que vit Taven la sorcière, la masco provençale. 
Elle loge dans le trau du Fado, 
une inquiétante caverne au flan du baou de la Costapera 
au refuge de la chauve-souris, 
celle qu’on dénomme la ratopenado en Provençal 
ou la ratapignata en Nissarte.
Dans son réduit, la sorcière prépare ses philtres
Au fond, on devine la chambre de la Mandragore.
Seul Abd al-Rahman, un chef de guerre sarrasin, 
que les Provençaux appellent Abderamane, 
aurait eu le courage de s'enfoncer au plus profond de ce labyrinthe
Il y aurait caché un fabuleux trésor composé de monceaux d'or et de pierreries. 
Personne ne se risque toutefois d'aller le chercher 
puisqu'il est sous la surveillance de la toute puissante Chèvre d'Or.